Comment les émotions influencent nos décisions financières?
Avez-vous déjà regretté un achat impulsif ? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous avez vendu une action juste avant qu’elle ne grimpe en flèche ? Ou pourquoi vous n’arrivez pas à économiser malgré vos bonnes résolutions ?
La réponse se trouve souvent dans un facteur que nous négligeons : nos émotions.
Contrairement à ce que l’on peut croire, nous ne sommes pas purement rationnels, et nos émotions ont un impact non négligeable sur toutes nos décisions, et cela est encore plus vrai quand on parle d’argent.
Dans cet article, nous explorons en profondeur comment les émotions façonnent votre relation à l’argent, pourquoi elles peuvent vous conduire à des erreurs coûteuses, et surtout, comment utiliser cette connaissance pour prendre de meilleures décisions financières.
L’intelligence émotionnelle financière : un concept clé
L’intelligence émotionnelle financière représente votre capacité à reconnaître, comprendre et gérer vos émotions lorsque vous prenez des décisions concernant l’argent.
Cette compétence peut faire la différence entre le succès et l’échec financier.
En la maîtrisant, vous serez apte à identifier vos émotions et en faire vos alliés en les comprenant et en les utilisant de la bonne manière.
Inversement, ne pas comprendre ses émotions est une spirale infernale qui conduit inévitablement à des décisions irrationnelles et dangereuses.

Le cerveau à deux vitesses
Notre cerveau fonctionne selon deux systèmes, comme l’a brillamment expliqué le psychologue Daniel Kahneman dans son livre « Système 1, Système 2 : Les deux vitesses de la pensée » :
- Système 1 : Rapide, intuitif, émotionnel, automatique
- Système 2 : Lent, réfléchi, analytique, demandant un effort
Le problème ? Dans les questions d’argent, nous utilisons souvent le Système 1 pour des décisions qui nécessiteraient le Système 2.
Résultat : des choix basés sur l’émotion plutôt que sur la logique.
Pourquoi comprendre ses émotions financières ?
Les personnes qui réussissent financièrement ne sont pas nécessairement celles qui ont les meilleures connaissances théoriques et techniques, mais souvent celles qui comprennent et maîtrisent leurs réactions émotionnelles face à l’argent.
Développer cette intelligence émotionnelle financière peut vous aider à :
- Éviter les pièges émotionnels classiques comme l’achat impulsif
- Rester fidèle à votre stratégie d’investissement même en période de turbulence
- Établir une relation plus saine avec l’argent
- Atteindre vos objectifs financiers à long terme
Afin de comprendre vos émotions, la première étape est de prendre conscience qu’elles existent et influencent vos décisions.
Il est nécessaire de ne pas se mentir à soi même et de s’avouer que c’est le cas, nous sommes tous des êtres pétris d’émotions.
Les émotions qui gouvernent nos finances
Afin de comprendre ces émotions, voici d’abord une présentation de chacune d’entre elles :

La peur : le grand paralyseur
La peur est peut-être l’émotion la plus puissante et la plus présente dans notre relation à l’argent.
Elle peut se manifester sous différentes formes :
- Peur de perdre : Elle nous pousse à vendre nos investissements au pire moment (pendant les baisses de marché)
- Peur de manquer (FOMO – Fear Of Missing Out) : Elle nous incite à suivre les tendances d’investissement populaires même si elles sont risquées
- Peur de l’échec : Elle peut nous empêcher de prendre des risques calculés nécessaires à la croissance de notre patrimoine
Exemple concret : Pendant la crise financière de 2008, de nombreux investisseurs ont vendu leurs actions au plus bas par peur, manquant ainsi le rebond spectaculaire qui a suivi. Ceux qui ont maîtrisé leur peur ont vu leur portefeuille se reconstituer et croître dans les années suivantes.
L’avidité : le moteur dangereux
L’avidité nous pousse à vouloir toujours plus, souvent au détriment de la prudence :
- Elle nous fait prendre des risques excessifs
- Elle nous amène à ignorer les signaux d’alarme
- Elle nous fait abandonner la diversification pour « tout miser » sur une opportunité.
Exemple concret : Lors de la bulle des cryptomonnaies de 2017, l’avidité a conduit de nombreuses personnes à investir des sommes importantes dans des projets douteux, uniquement parce que « tout le monde s’enrichissait ».
Résultat : des pertes massives lors de l’éclatement de la bulle en 2018.
La honte et la culpabilité : les émotions taboues
Ces émotions sont particulièrement peu connues car nous en parlons rarement, mais elles ont toute leur importance :
La honte financière : Elle nous empêche de demander de l’aide ou des conseils
La culpabilité : Elle peut nous conduire à des comportements de compensation comme les achats compulsifs
L’euphorie : le sentiment trompeur
L’euphorie est une émotion dangereuse car elle nous donne une confiance excessive :
- Elle peut mener à des décisions irrationnelles et insensées
- Elle nous pousse à ignorer les risques
- Elle conduit souvent à l’orgueil et aux erreurs de jugement
L’anxiété : la spirale négative
L’anxiété financière est la traduction d’une forme de peur vis à vis de l’argent.

Voici ses conséquences :
- Elle épuise notre capacité à prendre des décisions rationnelles
- Nous fait procrastiner sur des décisions importantes
- Peut nous conduire à des comportements d’évitement (ne pas ouvrir ses relevés bancaires, par exemple)
Il existe d’autres émotions et les conséquences présentées ci dessus ne sont pas exhaustives, mais cette liste regroupe l’essentiel afin de vous aider à identifier si certains de vos comportements correspondent à une de ces situations.
Les biais cognitifs : quand l’émotion déforme notre jugement
Nos émotions alimentent des biais cognitifs qui affectent nos décisions financières. En voici quelques-uns parmi les plus courants :
L’aversion à la perte
Nous ressentons la douleur d’une perte environ deux fois plus intensément que le plaisir d’un gain équivalent. Cette asymétrie émotionnelle nous conduit à :
- Conserver trop longtemps des investissements perdants (refus d’ « accepter » la perte)
- Vendre trop tôt des investissements gagnants (pour « sécuriser » le gain)
- Être excessivement prudents dans nos choix d’investissement
En clair, ce biais mène à davantage considérer et penser au fait d’avoir peut de perdre plutôt qu’au succès, ce qui mène quasi inévitablement à l’échec.

Ces émotions vous font accumuler des pensées négatives, qui à force de pénétrer dans votre subconscient, deviennent des pensées dominantes profondément ancrées et difficiles à déloger.
C’est ce qui provoque par la suite des biais, et pire encore, votre subconscient agit en fonction de vos pensées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.C’est pourquoi chasser vos émotions et pensées négatives est crucial si vous voulez atteindre le succès, aussi bien financier que personnel.
Le biais de confirmation
Nous avons tendance à rechercher et valoriser les informations qui confirment nos croyances préexistantes :
- Un investisseur convaincu que le marché immobilier va grimper ignorera les signes de ralentissement
- Un épargnant persuadé que « la bourse c’est risqué » ne considérera que les articles sur les krachs boursiers
Faites attention à ce biais qui peut également conduire à prendre des décisions non éclairées.
Prenez du recul et envisagez toutes les solutions, sans nier les informations contraires à vos croyances.
L’effet de disposition
Ce biais nous pousse à vendre trop tôt les actifs qui prennent de la valeur et à garder trop longtemps ceux qui en perdent. C’est l’une des principales causes de sous-performance des investisseurs individuels.
Pour éviter au maximum ce biais, je vous conseille et prône un investissement à long terme en DCA, via des ETF, qui permettent de se diversifier et de répliquer le marché à faible coût.
Cette stratégie réduit le risque de sous-performance et le rapport entre le temps passé et les gains potentiels est fantastique.
L’excès de confiance
Particulièrement présent chez les hommes en matière d’investissement, ce biais nous fait :
- Surestimer nos connaissances et compétences
- Sous-estimer les risques
- Négliger la diversification
- Acheter et vendre sans réfléchir
Ce biais est notamment lié à l’émotion de l’euphorie, et peut s’avérer très dangereux si il n’est pas maîtrisé.
Comment les émotions influencent vos habitudes financières quotidiennes
Voici quelques exemples de l’impact potentiel des émotions sur vos finances au quotidien.
Vous verrez que comprendre celles-ci peut vous faire économiser beaucoup d’argent et un temps fou !
Les achats émotionnels : satisfactions immédiates, regrets durables
Le marketing moderne est conçu pour déclencher des réactions émotionnelles qui court-circuitent notre raisonnement :
- La dopamine : Ce neurotransmetteur du plaisir est libéré pendant le shopping, créant une sensation de bonheur temporaire
- Le soulagement émotionnel : Les achats servent souvent à apaiser des émotions négatives (stress, tristesse, ennui)
- L’image sociale : Beaucoup d’achats sont motivés par le désir d’appartenance ou de statut social
Les entreprises s’appuient sur ces réactions et envies afin de maximiser leur profit en faisant e sorte que l’on consomme le plus possible, et tuent en réalité toute ambition et toute vision à long terme chez ceux qui tombent dans le piège.

Astuce pratique : Adoptez la règle des 4 jours pour les achats non essentiels. Attendez 4 jours entiers avant de finaliser tout achat important et coûteux. Cela permet à l’émotion de retomber et à la raison de reprendre le dessus.
Si ce sujet vous intéresse, il existe un très bon livre écrit par Damien Hellegatte : le piège de la société de consommation

Ce livre est très intéressant et permet de sortir du piège consistant à en vouloir toujours plus et plus vite.
Il vous permet de vous reconcentrer sur le long terme et sur ce qui compte vraiment
L’endettement émotionnel : le piège de la gratification immédiate
L’endettement est souvent lié à nos émotions :
- Le désir d’impressionner les autres
- L’impatience (vouloir tout, tout de suite)
- L’évitement de la « douleur du paiement » (le crédit semble moins « douloureux » que de payer comptant)
Attention cependant à bien différencier :
- L’endettement lié à l’achat d’actifs générateurs de revenus, comme l’effet de levier dans l’immobilier locatif, qui est un endettement positif.
- À l’endettement qui vise à acquérir des passifs comme une voiture ou des vêtements, qui est un endettement très mauvais.
Pour combattre l’endettement émotionnel, visualisez concrètement le coût total de vos achats à crédit. Par exemple, calculez combien d’heures de travail seront nécessaires pour rembourser cet achat, intérêts compris.
L’épargne et nos biais temporels
Épargner, et plus précisément augmenter son taux d’épargne est nécessaire pour qui veut améliorer sa situation financière, mais cela ne se fait pas sans efforts.

Notre difficulté à épargner est largement émotionnelle :
- Le biais du présent : Nous privilégions instinctivement le présent au futur
- L’optimisme excessif : « Je gagnerai plus plus tard, donc je peux dépenser maintenant »
- La difficulté de projection : Notre cerveau perçoit notre « moi futur » presque comme un étranger
- La volonté de stimulation immédiate : Nous voulons tout maintenant et le marketing excessif nous pousse à consommer.
Solution efficace : L’automatisation de l’épargne contourne ces biais en retirant la décision émotionnelle de l’équation.
Programmez un virement automatique le jour de votre paie vers un compte épargne.
Développer son intelligence émotionnelle financière
Voyons désormais comment apprendre à gérer vos émotions et en faire des alliés dans vos décisions financières :
La pleine conscience financière : observer sans juger
La première étape consiste à développer votre conscience émotionnelle en matière d’argent :
- Tenez un journal financier émotionnel : Notez vos émotions avant, pendant et après les décisions financières importantes
- Identifiez vos déclencheurs émotionnels : Certaines situations activent elles systématiquement vos émotions négatives liées à l’argent ?
- Pratiquez l’observation sans jugement : Quand une émotion financière surgit, observez-la comme un scientifique, sans vous y identifier
Cette étape est primordiale car elle vous permet de prendre conscience de vos émotions, ce qui est fondamental.
A votre place, je prioriserai la tenue du journal dans lequel je noterai mes émotions, leurs déclencheurs et mes observations quant à chacune d’entre elles.
Idéalement, il faudrait le consulter et le compléter à minima une fois par semaine.
Établir des systèmes plutôt que de compter sur la volonté
Notre volonté est une ressource limitée, facilement épuisée par les émotions.
La solution est simplement de créer des règles et systèmes qui vous permettent d’user moins de volonté afin de favoriser les bonnes décisions.
Par exemple :
- Automatisez vos bonnes décisions : Virements automatiques d’épargne, ordres programmés d’investissement
- Créez des règles financières personnelles : « Je n’achète jamais une action le jour où j’en entends parler » ou « Je respecte un délai de réflexion de 4 jours pour tout achat supérieur à 200€ »
- Utilisez la technique des enveloppes budgétaires : Allouez à l’avance des montants précis pour chaque catégorie de dépenses
Reframing : recadrer ses pensées
Comme je l’ai introduit précédemment, vos pensée sont importantes, car elles s’accumulent et forgent votre état d’esprit, qui influence votre destin.
Elles sont étroitement liées à vos émotions, et des pensées positives favorisent l’accomplissement.
Apprenez à recadrer positivement vos pensées liées à l’argent :
- Au lieu de « Je ne peux pas me le permettre », pensez « Ce n’est pas ma priorité actuellement »
- Remplacez « Les investissements sont risqués » par « Les investissements comportent des risques que je peux apprendre à gérer »
- Transformez « Je suis nul en argent » en « Je développe progressivement mes compétences financières »
Ce processus vous permettra de reprendre le contrôle sur votre futur et favorisera l’apparition de pensées positives, en chassant naturellement le négatif.
Pratiquer la distanciation cognitive
Cette technique vous aide à prendre du recul par rapport à vos émotions :
- La règle du conseiller : Demandez-vous « Quel conseil donnerais-je à un ami dans cette situation ? »
- La perspective temporelle : « Cette décision me semblera-t-elle encore bonne dans 10 ans ? »
- L’inversion : « Quels sont les arguments contre la décision que je m’apprête à prendre ? »
Stratégies pratiques pour des décisions financières équilibrées
Voici désormais des stratégies approuvées qui vous permettront d’améliorer la qualité de vos décisions, et de réduire drastiquement l’imapct de vos émotions.

Avant une grande décision financière
Suivez cette checklist pour minimiser l’impact des émotions :
- Identifiez votre état émotionnel actuel : Êtes-vous stressé, euphorique, anxieux ? Ces états peuvent biaiser votre jugement
- Imposez vous un délai de réflexion : Minimum 24h pour les décisions importantes
- Consultez votre plan financier : Cette décision est-elle alignée avec vos objectifs à long terme ?
- Demandez un regard extérieur : Un conseiller financier ou un proche de confiance peut repérer les biais que vous ne voyez pas
Pour les investisseurs : dompter l’irrationalité des marchés
- Établissez une stratégie écrite avant les turbulences de marché
- Diversifiez non seulement vos actifs mais aussi vos sources d’information
- Limitez votre exposition aux actualités financières quotidiennes qui amplifient les émotions
- Fixez des règles d’achat/vente automatiques pour éviter les décisions sous le coup de l’émotion
- Rééquilibrez régulièrement votre portefeuille selon votre allocation cible
Pour les dépensiers : maîtriser les pulsions d’achat
- Pratiquez la règle 10/10/10 : Cet achat me rendra-t-il heureux dans 10 minutes ? 10 mois ? 10 ans ?
- Utilisez uniquement du liquide pour les catégories où vous avez tendance à trop dépenser
- Désabonnez vous des newsletters commerciales qui déclenchent vos achats impulsifs
- Identifiez vos besoins émotionnels sous-jacents : Cherchez-vous reconnaissance, sécurité, nouveauté ?
Pour les anxieux financiers : gérer le stress lié à l’argent
- Constituez un fonds d’urgence adapté : Savoir que vous avez 3 à 6 mois de dépenses de côté réduit considérablement l’anxiété
- Célébrez vos petites victoires financières pour renforcer votre confiance
- Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler : vos dépenses, votre taux d’épargne, votre éducation financière
- Transformez progressivement vos pensées et croyances sur l’argent
Conclusion : vers une relation plus consciente avec l’argent
Comprendre comment vos émotions influencent vos décisions financières est le premier pas vers une liberté financière véritable.
En développant votre intelligence émotionnelle financière, vous deviendrez capable de :
- Reconnaître quand vos émotions prennent le dessus
- Utiliser des stratégies concrètes pour reprendre le contrôle
- Transformer votre relation à l’argent
- Prendre des décisions financières qui servent réellement vos objectifs à long terme
N’oubliez pas que l’objectif n’est pas d’éliminer les émotions de vos décisions financières – c’est impossible et même indésirable – mais plutôt d’en prendre conscience et de les intégrer intelligemment dans votre processus décisionnel.
La prochaine fois que vous vous apprêtez à prendre une décision financière importante, prenez un moment pour vous demander : « Quelle émotion guide ce choix ? Cette émotion me sert-elle ou me dessert-elle ? »
Cette simple pause réflexive pourrait faire toute la différence entre une décision que vous regretterez et une autre qui vous rapprochera de vos objectifs financiers.
Dès aujourd’hui, je vous encourage à noter ces émotions dans un journal afin d’en prendre conscience.